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Claude Thomassin (1615-1690)

Claude Thomassin

 

Claude Thomassin appartient à l’une des plus illustres familles de robe provençales, établie depuis la fin du XVe siècle en la ville d’Aix, anoblie par le roi René en septembre 1479*. Elle a fourni un très grand nombre de magistrats et d’officiers, tant au parlement (6 présidents à mortier, 14 conseillers, 2 présidents aux Enquêtes et un avocat général), qu’à la chambre des Comptes d’Aix (4 avocats généraux et 2 conseillers), et des procureurs du roi et conseillers aux sièges sénéchaux. Jean André Thomassin, son grand-père, docteur en droits et avocat, est reçu en 1569 conseiller au parlement d’Aix et achète en 1574 la seigneurie d’Ainac en la viguerie de Digne ; marié à une fille du marchand Jean Estienne, sieur de Saint-Jean de la Salle, il est père de nombreux enfants, et parmi eux les fils qui formeront les différentes branches de la famille : entre autres Honoré qui se marie à Fréjus le 18 septembre 1629 et Pierre de Thomassin, père de notre chanoine, héritier d’une partie de la terre d’Ainac, ayant acquis une partie de celle de Lincel, qui était avocat au parlement et juge royal de Manosque où il s’était établi par son mariage en 1604 avec Jeanne de Bouchery.

C’est là que naît Claude Thomassin, et qu’il est baptisé le 27 décembre 1615 à l’église Saint-Sauveur. Il entre à l’Oratoire en 1632, et en sortira en 1645 : l’abbé Brémond raconte ainsi l’histoire : « Ce Claude se flattait d'avoir sur le livre de Judith des lumières dont il ne convenait pas que le monde fût privé. Ses supérieurs, après avoir pris connaissance du manuscrit, ne furent pas du même avis. Sur quoi, une jolie note dans les registres de l'Oratoire : ‘Le Père Bourgoing fera la charité au Père Thomassin de le rendre capable de la conclusion qui a été prise : que sa Paraphrase sur Judith ne s'imprimera point présentement’. » Si finalement, le livre fut publié quand même, « Claude eut ordre de se rendre à Lyon pour y faire une retraite et s'y renouveler dans l'esprit de piété. Fit-il de nouveau la sourde oreille ? En tout cas, peu de jours après, la Congrégation lui signifia son congé. » C’est au milieu du siècle que Claude, lui-même docteur en théologie, reçoit la stalle de chanoine théologal de Fréjus. Il l'est certainement de façon récente lorsqu'en 1647 une première plainte des consuls se fait entendre et qu'une requête est présentée à l'évêque pour obliger le chanoine théologal à fixer sa résidence à Fréjus et à remplir ses fonctions. Prédicateur apprécié, il n’est guère assidu au chœur et en 1653, ses confrères, cette fois, lui retiennent sur son traitement 830 livres pour ses absences sur les trois dernières années. Après que Claude Thomassin leur en ait donné les motifs, on réduisit ses pénalités et il fut réglé qu’il toucherait la totalité de ses revenus dans la mesure où il serait empêché par une prédication de carême ou d’avent tant à Paris qu’en Province. Promu protonotaire apostolique et conseiller du roi, il voulut assister le fils d’un de ses cousins, un autre Louis Thomassin, nommé évêque de Sisteron en 1682, après avoir été coadjuteur d’Antoine Godeau à Vence. Claude assura ainsi la charge de curé de l’église Saint-Sauveur de Manosque, ville dans laquelle il avait fondé en 1661 le grand séminaire « de l’Enfant Jésus », et dont il prit la direction à partir de 1685 ; il avait encore fondé un petit séminaire à Lurs en 1680. Il meurt à Manosque, « plein de mérites » comme l’indique l’obituaire, le 4 mars 1690 et est inhumé le lendemain à Saint-Sauveur. Ses ossements seront transférés le 24 avril 1714 dans la chapelle du séminaire de Manosque qu’il a avait fondé, hormis sa tête conservée au tombeau des prêtres à Saint-Sauveur. Sur sa tombe, furent gravés ces simples mots : « Hic jacet D. Claud. de Thomassin / Presbiter, hujus Seminarii fundator / Munificus. »

Outre ses prédications, il laissa des œuvres en vers comme Le chrétien désabusé du monde, publié en 1688, et les Paraphrases sur Job et sur Tobie. Son saint mépris des réalités d'ici-bas ne l’empêchait pas d’être sensible à la nature qui l’entourait, et c’est peut-être sur les plages de Fréjus qu’il trouva l’inspiration de ces vers pleins d’élégance qui nous redisent qu’un ordre éternel et une limite définitive ont été fixés aux hommes et aux choses :

«La Mer, cette esclave rebelle,
Par le langage de ses flots,
Se plaint parfois aux Matelots
Que sa prison soit éternelle :
Mais bien qu’elle semble souvent,
Bouffie d’orgueil et de vent,
Vouloir enfoncer sa barrière,
Venant à son terme prescrit,
Elle y voit son arrêt écrit
En caractères faits de sable et de poussière. »
 

* écrivant sur le fameux oratorien Louis Thomassin (1619-1695), cousin de notre chanoine et savant théologien, l’abbé Brémond qui doit avouer que la famille est d’origine bourguignonne, commente plaisamment : « Nous ne disputerons pas pour si peu au P. Louis sa qualité de Provençal. Après un noviciat de deux siècles, sa famille n'avait plus rien de bourguignon. »