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Emile Bouisson  (1878-1960)

Emile BouissonLe 10 janvier 1878 naissait à Toulon Emile-Laurent-Marius-Paul Bouisson. Il était le fils d’un « commis du commissariat de la Marine », Joseph Théodore Bouisson, alors âgé de de 27 ans et d’Emilie Léonide Joséphine Lambert, âgée de 29 ans, tous deux domiciliés au n°30 de la rue Lafayette. Après le séminaire et l’obtention d’une licence de théologie, il fut ordonné prêtre pour le diocèse le 29 juin 1900. D'abord recteur de Saint-Martin le 1er août 1900, il fut nommé vicaire au Beausset le 16 juillet 1903, puis vicaire à la paroisse Saint-Joseph de Toulon à partir du 16 janvier 1910. Il y fut chargé particulièrement du quartier des "Routes". Dès le 23 janvier 1910, l'abbé Bouisson y célébrait une première messe dans un local privé de l'Avenue Martin; une salle devant servir de chapelle fut d'abord construite et peu de temps après, Mgr Guillibert vint annoncer qu'une église en l'honneur du Sacré-Coeur allait être édifiée; par les soins de l'abbé fut acheté le vaste terrain de la «Laiterie» du «Champ Mille» où sera érigée l’église dont les travaux ne seront achevés qu'après la guerre. Durant la guerre de 14-18, apprenant que les conflits avaient déjà fait de nombreux orphelins ou des enfants isolés, dans le nord de la France, il fit savoir qu’il était prêt à en accueillir ; il en attendait une vingtaine, ce fut plus d’une centaine qui débarqua en gare de Toulon. Jamais à court d’expédients, avec cinq francs en poche mais le secours de l’armée, et épaulé par ses sœurs Marie et Laurence, il organise leur accueil, leur hébergement et assure leur nourriture, allant deux fois par semaine mendier avec quelques uns sur le marché du Cours Lafayette. Il s’occupa aussi de leur instruction. Devenu le premier curé du Sacré-Coeur des Routes le 1er juillet 1920, l'abbé Bouissson fut honoré du titre de chanoine honoraire de la cathédrale de Fréjus le 8 décembre 1930 à l'occasion de la dédicace de la chapelle du séminaire de la Castille par Mgr Simeone, dans la même promotion qui comprenait les chanoines Guigou, Giraud, Thomas, Loubet, Gertosio et Martin.

Figure originale et populaire de Toulon, l’abbé Bouisson exerça son activité pastorale pendant plus de cinquante ans avec bonté, efficacité et humour, particulièrement dans ces quartiers des Routes et du Pont-de-Bois. Il y a laissé un souvenir très vif empreint d’affection et de respect.

Sa figure ne passait pas inaperçue, avec sa soutane usée et son chapeau à hauban délavé, sa haute stature et un nez qui lui donnait un air pascalien et lui valut le sobriquet de « Nasaule ».

De caractère entier, il savait être aussi exigeant pour lui-même que pour les autres, ses vicaires notamment ou ses bonnes, ce qui le conduisit très vite à devoir tout faire par lui-même.

Du florilège de ses interventions, on retient la présentation d’un de ses vicaires, un certain 8 décembre : «Mes bien chers frères, vous avez dû jeter un coup d’œil en entrant sur l’ombre de prêtre que l’évêché vient de m’offrir. Que voulez-vous que ce pauvre garçon fasse pour m’aider, il ne tient pas droit ! Il faut d’abord le ré-emplumer car en plus de mon fichu caractère, vu qu’il est transparent comme l’albâtre, il n’est pas plus fort qu’un minot. En haut lieu on s’est dit « Bouisson est le seul capable d’en faire un poids lourd », alors ils me l’ont envoyé. Mes frères, je vous le dis sérieusement, je compte sur vous, sur votre compréhension et encore plus sur votre bon cœur actif, pour doubler mes quêtes. Quand je pense qu’il y en a qui gaspillent deux cents francs pour aller voir des gueuseries comme « La Veuve joyeuse » et qui osent ensuite me mettre cinq centimes dans le plateau alors que nous avons à ranimer un enfant du Bon Dieu et qui de plus est un prêtre, vous comprendrez que parfois le « coquin de sort » vous prenne. Je n’en dirais pas plus; pour doubler la ration, il faut doubler votre offrande afin de lui faire rattraper à ce pauvre garçon tout ce que les excellents repas du séminaire lui on fait perdre. Qu’on se le dise ! »

Tout l’intéressait, il rompait des lances avec tout le monde, dirigeait plusieurs revues, avait ses entrées tant à la préfecture de Draguignan qu’à la sous-préfecture de Toulon ou sa préfecture maritime, il était membre de l’Académie du Var, avec cela dépannait quantité de personnes dans le besoin, ne craignant pas de se mouiller pour les pauvres : bien souvent on retrouvait après son passage auprès de gens dans la souffrance une somme discrètement glissée dans un coin.

Pour faire face à l’extension de sa paroisse, il construit encore la chapelle Sainte-Thérése, la chapelle Sainte-Marie-Madeleine, au four à chaux Cigalon et la chapelle qu’il offrit ensuite aux carmélites. Les dons affluaient en effet auprès de celui qui était tout à la fois bureau de bienfaisance, écrivain public, conseiller juridique, office de placement, promoteur, service de dépannage, bâtisseur, etc.

Dans un quartier qui avait pour champion politique le « socialiste de France » Pierre Renaudel et où ne manquait pas la présence d’un comité des fêtes laïques et humanitaires, l’abbé Bouisson, en vertu de ce qu’il représentait, obtenait sans difficulté qu’on respectât les manifestations religieuses et autres processions qui marquaient la vie de la paroisse et où il fut aidé par son neveu, l’abbé Bourgues.

Historien à ses heures, le chanoine Bouisson publia en 1927 une Histoire des évêques de Toulon.

Avec une verve toute provençale on le vit un jour commenter la plaque faisant mémoire de la libération de Toulon en 1945 : « Mes très chers frères, il ne fait aucun doute pour personne , pour ceux qui savent voir, s’entend, que lorsque le Bon Dieu se met de notre côté, il signe toujours son intervention : le 14 juillet est tout simplement la fête du grand saint Bonaventure qui a prévu le culte du Sacré-Cœur, c’est un franciscain qui vaut bien la Bastille où il n’y avait personne ! Le 11 novembre, jour de saint Martin ‘bouan pèr l’aigo, bouan pèr lou vin’, c’est la fête du second patron de la France. Le 15 août, l’Assomption, débarquement des alliés, mais fête de la patronne de France. Le 25 août, saint Louis, époux de notre belle Marguerite de Provence, libération de Toulon et de Paris ! Ah, mes très chers frères, si on savait lire les signes, on verrait que si les Allemands n’avaient pas eu leur intelligence enténébrée par le Saint-Esprit, s’ils eussent étudié l’histoire, l’histoire, éternel recommencement, ils eussent découvert alors que c’est par le nord, par le chemin du Broussan que Toulon a toujours été attaqué, mais leur esprit enfumé n’y pris point garde et là où ils eussent dû masser leur plus vaillantes troupes, les alliés ne trouvèrent personne. Si nous sommes là aujourd’hui pour chanter, rendons-en grâce tous ensemble à l’Esprit Saint qui soulève les montagnes et voile les yeux de ceux qu’il veut perdre. Amen ! »

Messire Emile Bouisson rendit son âme à Dieu le 8 novembre 1960, après avoir pris sa retraite en décembre 1957. Il mérita de reposer dans le chœur de l'église qu'il avait fait édifier, sous une simple plaque marquée de ces mots : « ici repose/ Emile Bouisson / chan. curé fondateur / de cette paroisse / 1878.1910.1960. ».