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Jacques Séguin o.s.b. (20 octobre 1452 - 1453)


Originaire du diocèse de Clermont, docteur en droit canon, Jacques Séguin avait fait profession religieuse chez les Bénédictins. Etait-il immédiatement entré à l’abbaye de Cluny ou dans un de ses prieurés auvergnats ? Il est élevé au rang de grand prieur de Cluny probablement en 1421 au départ de son prédécesseur Jean de Vinzelles, sous l’abbatiat de Robert de Chaudesolles (tous deux anciens prieurs de Sauxillanges, un des principaux prieurés clunisiens d’Auvergne). A la mort de l’abbé en décembre 1423, c’est à lui que revient de convoquer le chapitre qui élira Eudes de la Perrière.
En février 1425, Jacques Séguin est placé à la tête de l’opulent prieuré royal de Saint-Martin-des-Champs, à Paris.
Du XIIème au XIVème siècle, cette charge avait conduit plusieurs de ses prédécesseurs à celle d’abbé de Cluny. Le monastère avait été prospère jusque-là, accueillant près de soixante-dix moines, dont de nombreux étudiants, avec un domaine foncier qui n’avait cessé de s’accroître et une juridiction sur plusieurs milliers d’âmes qui en faisait un des plus riches bénéfices de l’Eglise de Paris.
A l’époque où Jacques Séguin en assume la responsabilité, la situation a bien changé : l’incertitude dynastique consécutive à la mort de Charles VI a jeté Paris et la France dans la confusion politique et c’est dans une capitale meurtrie par l’ « occupation » anglaise, soumise à l’insécurité et aux épidémies, dépeuplée (elle est réduite à 80 000 habitants) que s’ouvre son administration qui durera vingt-sept ans. Dès l’année suivante, il bénéficie cependant de la brillante fondation (1426) des époux Philippe de Morvilliers, conseiller du roi Henri VI et premier président du Parlement « bourguignon » de Paris, et Jehanne du Drac, qui élisent sépulture en la chapelle Saint-Nicolas, dans le déambulatoire, contre une rente de 1600 livres et le don d’un mobilier liturgique coûteux (1429). Séguin venait de passer là un contrat avec un des personnages les plus importants du royaume et des plus controversés au regard de la situation politique de la capitale, puisqu’il avait été le principal artisan de la conclusion du Traité de Troyes qui offrait la couronne de France au roi d’Angleterre, « le plus cruel tyran qu’homme eût onques vu à Paris » au dire du Journal du Bourgeois de Paris en 1421.
La situation générale conduira au lent déclin du monastère où l’observance se relâchera et le temporel ira se dégradant. On ne s’étonnera pas alors que la figure du prieur apparaisse fort contrastée. On le voit par ailleurs s’éterniser dans un procès intenté contre lui au Parlement à partir de 1432 par le frère Louis de Coulon, l’hôtelier qu’il avait destitué.
image004Le 15 mars 1436, moins d’un mois avant l’arrivée des troupes de Charles VII, à la suite des trois évêques et cinq abbés parisiens, Jacques Séguin prête serment solennel de fidélité à Henri VI qu’on a peine à considérer encore comme roi de France et d’Angleterre. Fin mai, la ville étant au pouvoir de Charles VII, il doit présider à l’exhumation, dans une arrière-cour du couvent, des corps des principales victimes des massacres bourguignons de 1418 pour les ré-inhumer en grande pompe dans l’église priorale.
Dans une capitale désormais française mais exsangue, on le voit alors partager les difficultés de son monastère : le registre minutieux de ses dépenses de table entre 1438 et 1439 fait apparaître un homme d’une étonnante simplicité de mœurs. En 1438, il est atteint lui-même par la peste qui décime son monastère. Cela ne l’empêche pas de recevoir régulièrement à sa table plusieurs ecclésiastiques de marque (dont Guillaume de Villon, le protecteur du poète) et quelques procureurs et avocats au Parlement, des femmes aussi... A la faveur des difficultés de l’époque, le « monde » avait pénétré dans le cloître.
La paix d’Arras qui en 1435 avait uni Français et Bourguignons pour ouvrir à Charles VII la route de Paris intégrait une clause de maintien des personnalités en place ; n’empêche que la situation de Jacques Séguin était désormais précaire.
Est-ce le déclin du prieuré ou les tractations entreprises avec Jacques Juvenel pour obtenir l’évêché de Fréjus qui motivèrent une reprise en main vigoureuse du monastère par Cluny, qui n’épargna pas le prieur ? En témoigne, en 1452, une note du procureur général de l’Ordre lui reprochant d’avoir résisté aux injonctions qui lui avaient été faites et ordonnant son arrestation en faisant appel, si nécessaire, au bras séculier... « Et quia procurator generalis nostri Ordinis exposuit quod prefatus frater Jacobus Seguin, tanquam sue salutis immemor, plures et multas rebelliones et inobediencias quamplurimas [manque]... maleque vite, perjurio et simonia, aliisque pluribus criminibus irretitus et diffamatus (...) Dictum dominum Jacobum, priorem Sancti Martini, corrigant, puniant, capiant, detineant, et incarcerent ipsum... cum invocacione brachii secularis, si sit opus » (Bibl. nat. Ms lat. 2277, f°7).
Ce fut précisément cette année 1452 qu’il permuta finalement avec Jacques Juvenel dont la famille avait été un des meilleurs soutiens du nouveau roi Charles VII. L’évêque de Fréjus rejoignait les siens à Poitiers, ville qui avait vu affluer partie image005des forces vives d’un Paris déserté, mais comptait bien avoir un pied dans la capitale par cet échange réglé de bout en bout par son procureur, David de Neuville, qui solda auprès de la Chambre apostolique les taxes en faveur de Jacques Séguin pour le diocèse qui devenait le sien mais qui ne représentait visiblement pas le même enjeu qu’un prieuré parisien... Jacques Séguin fut nommé évêque de Fréjus par le pape Nicolas V immédiatement reçue la renonciation de son prédécesseur, le 20 octobre 1452.
Son épiscopat fut de très courte durée : il mourut fin avril ou début mai 1453 puisque le diocèse de Fréjus, vacant, était administré le 5 mai par le protonotaire apostolique Bernard de Candie.
Son successeur reçut sa nomination le 27 juin 1453.
Dans sa Cosmographie universelle de tout le monde (Paris, 1575) qui regorge d’inexactitudes, François de Belleforest prétend que sa sépulture se trouve dans le chœur du prieuré parisien de Saint-Martin-des-Champs (p.215).