La nef principale
Elle est appelée « nef Notre-Dame ». Sur le côté gauche (nord) elle est flanquée d’un collatéral appelé « Saint-Etienne ».
Cette disposition asymétrique qui semble étrange et peu fonctionnelle répond cependant à un plan assez répandu des cathédrales primitives, qu’on songe à la cathédrale Saint-Etienne de Toulouse, à la première cathédrale de Rouen, à celles d’Aquilée, de Trèves, de Genève, de Grenoble ou plus proches d’Aix-en-Provence ou d’Apt, etc. Il peut s’agir d’un mode d’agrandissement d’un édifice antérieur trop exigu, cela correspond aussi à la nécessité des fonctions liturgiques d’une cathédrale qui a conduit, là où on en avait les moyens, à la construction d’une, voire de deux autres églises plus petites à ses côtés, pour permettre le déploiement des processions et autres célébrations entre deux lieux distincts. L’explication souvent donnée d’une nef « paroissiale » et d’une nef « épiscopale » ne se rencontre nulle part ailleurs et ne convainc pas.
Malgré le sentiment d’unité, l’ensemble de la cathédrale a subi de nombreux remaniements dont il n’est pas toujours facile de comprendre les étapes. Le début de la nef Saint-Etienne (gauche) remonterait au XIème siècle, un peu plus tardif serait son prolongement vers l’est ainsi que le premier mur de droite de la nef principale, l’ensemble de la nef Notre-Dame datant du XIIIème siècle. En fait, les archéologues diffèrent sensiblement sur la chronologie de la construction. Il semble assuré que l’immense chantier de reconstruction qui s’est étalé sur plusieurs siècles ait voulu réparer les dégâts consécutifs à l’occupation sarrasine, sous l’impulsion de l’évêque Riculphe (973-1000), revenu de son refuge de l’abbaye de Montmajour, près d’Arles, pour reconstruire la cité ruinée, et de ses successeurs.
On est saisi par la sobriété, l’impression de robustesse et l’harmonie de la nef fermée par un cul-de-four d’une régularité et d’un dépouillement qui flattent l’œil du touriste moderne. Il n’en a pas toujours été ainsi, nous le verrons en découvrant les vestiges des décors successifs accumulés par les générations.
Au revers du mur de gauche, une toile anonyme, datée de 1698 illustrant les âmes du Purgatoire. Au centre, l’archange saint Michel pèse les âmes. Au bas du tableau, le feu du Purgatoire purifie les âmes en attente de la vision béatifique, tendant leur bras et leur prière vers la partie supérieure qu’occupent le Christ et la Vierge implorant la miséricorde de son fils, au milieu des anges.
Au dessus, se devine encore l’accès à la tribune de l’orgue, aujourd’hui disparue.
De l’autre côté, sur la droite, la mort de saint Joseph, du XVIIIème siècle, considérée comme le modèle de la « bonne mort », met en scène la Sainte Famille au moment du trépas du père adoptif de Jésus.
En avançant dans la nef principale, sur le mur de droite, un immense panneau de bois, « La Sainte Famille » daté de 1561 est signé de Camillo Saturno, peintre d' origine romaine, actif en Provence de 1561 à 1576, principalement à Aix-en-Provence où il travaille pour le Cardinal Strozzi, archevêque d'Aix. Il est à noter qu’entre 1472 et 1564 se succèdent sur le siège de Fréjus presque sans interruption une série de prélats italiens, en l’occurrence, Leone Orsini (1525-1564), qui résidèrent fort peu en Provence mais qui y introduirent le raffinement culturel de leurs origines. Dans un riche décor romain minéral et végétal, plein de détails savoureux et sous le regard bienveillant d’angelots, Joseph (à droite) contemple avec recul, selon les règles de l’iconographie classique qui veut exprimer par là qu’il n’eut aucune part dans la naissance du Sauveur, le jeu de l’enfant Jésus et de son cousin Jean-Baptiste accompagnés de leur mère : la Vierge Marie lisant (au centre) et la vieille Elisabeth (à gauche). Deux jeunes femmes se tiennent à l’arrière, telle des figures allégoriques, qui peuvent être aussi des portraits.
En poursuivant votre avancée vers l’autel, le grand orgue dresse sa masse majestueuse. Il est l’œuvre du facteur réputé Pascal Quoirin et fut inauguré en décembre 1991. Ses 2260 tuyaux se groupent en 35 jeux. Il permet l’interprétation du répertoire des XVII et XVIIIèmes siècles ainsi que certaines pages néo-classiques et contemporaines.
Son buffet de marqueteries utilise une variété de 18 bois exotiques différents.
L’orgue dissimule en partie une grande plaque de marbre, au texte ampoulé, rappelant le souvenir de Mgr Louis Michel, évêque de Fréjus de 1829 à 1845, inhumé dans le chœur de la cathédrale.
Elle fait face à celle qui est placée sur le pilier de gauche et évoque le dernier évêque d’avant la Révolution française : « A Dieu très bon et très grand. A la mémoire d’Emmanuel-François de Bausset Roquefort qui pour la cause de Dieu et de la religion, chassé par l’iniquité des temps du siège de Fréjus qu’il avait très dignement occupé durant trente-sept ans, se jetant dans le sein de la divine providence et secouant la poussière de ses pieds, soutint l’exil comme le tribut du service pastoral. Ayant déposé le soin de son troupeau entre les mains du Très Saint Père le pape Pie VII, il mourut très saintement à Fiume le 10 février de l’an 1802. Il vécut 71 ans 1 mois et 18 jours. Il fut inhumé dans l’église Saint-Guy. A son oncle très pieux et très aimé Pierre Ferdinand de Bausset Roquefort, archevêque d’Aix a posé (cette plaque) dans les larmes, l’an du Seigneur 1821. »
Toutes les deux sont ornées des armoiries respectives des deux prélats.
Arrivé au pied des marches du chœur, le visiteur contemple ce qui constitue l’âme de l’édifice et lui en donne le sens : derrière l’autel où se célèbre quotidiennement le sacrifice du Christ, le siège ou « cathèdre » de l’évêque, expression de l’autorité paternelle exercée depuis plus de seize siècle sur la communauté humaine qu’il enseigne, sanctifie et gouverne au nom du Christ. Si, depuis 1958, l’évêque qui porte aujourd’hui le nom d’ « évêque de Fréjus-Toulon » réside au chef-lieu du département, cette église demeure co-cathédrale (la seule aux yeux de l’Etat qui, à ce titre, en est propriétaire) ; l’évêque est le seul à pouvoir utiliser le siège qui occupe le fond de l’abside ; c’est lui qui, le 3 juillet 2011, a béni et consacré le nouveau mobilier liturgique (autel, ambon ou pupitre, cathèdre, sièg
es de présidence) conçu par l’artiste parisienne Françoise Bissara-Fréreau et réalisé en partie par des artisans locaux. Cet apport contemporain exprime avec bonheur comment l’Eglise continue de vivre et d’habiter ces lieux dans une permanence qui répond aux besoins de chaque époque.
Lui faisant écrin, les stalles du milieu du XVème siècle (1441), remaniées au XVIIIème siècle et en partie déplacées au XXème siècle avaient pour fonction d’accueillir le chœur des chanoines pour le chant de l’office ; au centre de celles-ci, derrière l’autel se trouvait jusque dans les années 1960 l’énorme lutrin du XVIIème siècle (très voisin de celui de Lorgues dont les chanoines de la collégiale firent l’acquisition en 1729), maintenant placé sur votre gauche, en haut de la nef Saint-Etienne, et qui permettait de conserver et de présenter à la lecture les livres liturgiques monumentaux appelés antiphonaires.
Sous les dalles du chœur, reposent un certain nombre d’évêques dont les épitaphes sont encore lisibles au pied de l’autel, ou sur le degré de droite : NN. SS. Joseph Zongo Ondedei (1674), Antoine Benoît de Clermont Tonnerre Crusy (1678), Louis Michel (1845), Joseph Terris (1885), Louis Arnaud (1905), Adolphe Camille Guillibert (1926), Auguste Simeone (1940).
En partant sur la gauche, la statue de la Vierge Marie, est une belle œuvre de marbre blanc, du XIXème siècle.
Le cul de four de l’abside est enchâssé dans une tour crénelée visible de l’arrière de la cathédrale.