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Le lecteur qui n’est pas averti s’étonnera de trouver fort peu de la réalité spirituelle et évangélique que ces évêques étaient censés porter et se scandalisera même du poids que le temporel, voire les querelles, procès et autres bassesses peuvent prendre ici.

Il n’y a pourtant rien là que de très normal : l’histoire, dans ses documents, ne peut retenir que ces éléments, comme les poissons dans le filet dont l’eau s’échappe, comme les galets roulés par le flux et abandonnés sur le rivage.

Pour qui ne s’arrête pas au matériau brut des dates et des faits relatés dans cette « petite histoire » volontairement anecdotique, se pressent pourtant entre les lignes quelque chose du mystère de l’Eglise : l’épaisseur parfois pesante d’humanité que Dieu a voulu épouser et transfigurer, la fidélité à un message qui parle à toutes les générations, le « vivre ensemble » si décapant et qui vérifie notre aptitude à la communauté du ciel, la vocation permanente de l’Eglise à se réformer sans cesse, et parfois aussi l’humour de Dieu au détour d’une page de notre histoire.

On y verra se définir progressivement les contours de ce diocèse né dans un empire romain désormais ouvert au christianisme, à l’ombre de l’antique métropole d’Arles à laquelle se substituera Aix, au moment où se dessinent les autres diocèses de Provence : Apt, Nice ou Vence, Riez, Senez, Toulon (441) ou Antibes.

L’Eglise s’adaptera encore aux mutations politiques et à l’autorité des princes qui se succèderont en Provence : Wisigoths d’Espagne (411-493), Bourguignons (493-502), Ostrogoths d’Italie (502-536), Francs (536-879), Bourguignons de nouveau avec la fondation de la Basse Bourgogne ou comté de Provence (879-1113), maisons de Barcelone (1112-1245), puis d’Anjou (1245-1481), jusqu’à la réunion à la couronne de France en 1486 dont elle épousera désormais le destin.

On suivra l’évolution de la désignation des pasteurs originairement élus par le clergé et le peuple (même si celui-ci ne parla jamais que par des représentants « autorisés »). La procédure se traduisit bientôt par une entente entre le collège des chanoines et l’aristocratie locale, mais les pressions laïques de moins en moins déguisées conduisirent progressivement à un dessaisissement local au profit de l’autorité pontificale dont la période avignonnaise accentua le monopole ; malgré la tentative des chapitres de reconquérir l’élection au lendemain du concile de Constance (1414-1418), cette prérogative sera bien vite récupérée par le pouvoir politique - royal, impérial ou républicain -, par concession du Saint-Siège qui se réserva toujours la collation canonique, selon les termes des différents concordats (Bologne 1516, Paris 1801), avant que la séparation de l’Eglise et de l’Etat disqualifie définitivement ce dernier.